Jusqu’à sa mort prématurée des suites du sida à l’âge de 52 ans, Derek Jarman développe une œuvre où une esthétique foisonnante le dispute à une vision radicale de la société anglaise. Méconnu en France, il est considéré outre-Manche comme la figure de proue de la scène underground britannique.
Avec
- Dominique Choisy Cinéaste français
- Gilles Pastor Metteur en scène, auteur, scénographe et comédien
- Olivier Normand Danseur, chorégraphe, chercheur
- Patrick Sarfati Photographe
- Bruno Geslin Dramaturge et metteur en scène
- Didier Blasco Cinéaste, scénariste et musicien
Se contenter d’un seul mot pour qualifier Derek Jarman est impossible, en voici trois: Combattant, artiste complet et artiste de la transformation. Jarman est un alchimiste, qui sait transformer la rage, la révolte et l’injustice en beauté, une transformation radicale. On ne peut dissocier son vie et sa œuvre, il est évident que les formes multiples d’expression de Derek Jarman sont la quintessence de son être. Son oeuvre n'est qu'une succession d'autoportraits. Bruno Geslin
De son premier long métrage, Sebastiane, péplum fauché qui restera sans doute le seul film jamais tourné intégralement en latin, à Blue, son dernier film à l’écran uniformément bleu dans lequel il évoque sa maladie, il a construit une œuvre singulière, multiforme et très personnelle, marquée tant par sa connaissance de l’histoire de l’art (son film Caravaggio), son passé familial (un père militaire et une mère très religieuse) que par son homosexualité. Les Inrockuptibles écriront ainsi qu’il reste “un des grands inventeurs, sinon le plus grand, du cinéma britannique.”
Ma rencontre avec Jarman, c’était Sebastiane. Ce fut un choc, un saisissement face à la langue utilisée: le latin. J’ai été troublé, dérangé par la charge érotique magnifique du film. Il m’a laissé avec des sentiments mêlés et persistants. Je n’arrivais pas à en faire le tour. Ma réception du film était intime, je ne pouvais pas ne pas regarder ce film avec tous les yeux de mon corps. Ces films sont des objets impurs, mixtes, qui envoient le spectateur dans des zones non répertoriées de son regard. Olivier Normand
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Courts métrages expérimentaux, clips pour d’innombrables artistes (les Smiths, Marc Almond, Marianne Faithfull, Bryan Ferry, Suede, les Pet Shop Boys…), longs métrages stupéfiants et très queer qui lui vaudront des prix tant à Berlin qu’à Venise, peintures, dessins, collages, poèmes… son œuvre très queer transcende les genres et se déploie sur de multiples registres, dont le jardinage, puisqu’il créa lors de dernières années de sa vie un saisissant jardin en milieu hostile à Dungeness, dans le sud de l’Angleterre, qui reste aujourd’hui encore un lieu où se mémoire est vivante.
C’est un metteur en scène du fragment et de l’explosion narrative. Il propose des éclats. Il y a un spectre dans les propositions de Jarman, mais qui peut divaguer et dévier … C’est un cinéaste véritablement queer, plus qu’homosexuel. Le queer c’est l’ailleurs, les films de Derek Jarman sont des bombes à fragmentation, qui ouvrent une voie, un passage. Il est profondément politique. Dominique Choisy
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Ce foisonnement explique sans nul doute que Derek Jarman — qui révéla l’actrice Tilda Swinton, qui fut sa muse — reste une référence majeure pour de nombreux autres artistes, en Grande-Bretagne comme en France, à l’image des metteurs en scène Gilles Pastor et Bruno Geslin, qui ont monté des spectacles autour de sa figure, ou du musicien Didier Blasco qui, avec son groupe Les Dupont, a plusieurs fois mixé sur des images de Jarman. Le comédien Olivier Normand, qui a incarné Jarman sur scène, mais aussi le photographe Patrick Sarfati, qui fut ami avec Jarman, et le réalisateur Dominique Choisy, dont Jarman est une inspiration constante, évoquent ce destin où les archives et la musique se conjuguent sans cesse.
Archive INA: extrait du film Blue, de Derek Jarman, diffusé en version française, dans Les Nuits Magnétiques, le 4 octobre 1994
Extrait du film Blue, de Derek Jarman, diffusé dans Les Nuits Magnétiques, le 4 octobre 1994 sur France Culture
3 min
Pour aller plus loin
Derek Jarman, le peintre à la caméra : analyse de Nicole Cloarec (Université Rennes-1), parue dans la revue Itinéraires
Derek Jarman: Radical Traditionalist: Un portrait nourri de nombreuses références publié par le site Senses of Cinema.
Chroma: Un livre de couleurs, signé Derek Jarman. A lire sur le site des éditions de l’Eclat.
Derek Jarman a réalisé des clips pour de nombreux artistes, comme pour l’album culte de Marianne Faithful, Broken English en 1979, The Queen is dead des Smith, ou encore Windswept de Brian Ferry… Ils sont à retrouver ICI.
Site du Derek Jarman Lab, école de cinéma soutenue par Tilda Swinton, intégrée au Birkbeck Institute de l’université de Londres.
En savoir plus :
Quand la création raconte le sidaExtraits diffusés
- Extraits et musiques des films de Derek Jarman: Art of Mirrors (1973), Sebastiane (1976), Jubilee (1977), La Tempête (1979), Caravaggio (1986), The Last of England (1988), War Requiem (1989), Edward II (1992), Wittgenstein (1993), Blue (1994)
- Extrait de Face to face, entretien de Derek Jarman avec Jeremy Isaacs (1993)
- Extrait du documentaire There we are John, de Ken McMullen (1993)
- Extrait du documentaire sonore Quelque chose plutôt que rien, de Thomas Sipp, diffusé sur France Culture en 2004.
- Un documentaire de Didier Roth-Bettoni, réalisé par Nathalie Battus, mixé par Jean-Michel Bernaud, avec les voix de Elodie Maillot et Nathalie Battus. Lecture et chanson d'Olivier Normand. Documentation INA: Marie Chauveau et ressources internet: Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France.